Trump contre le Venezuela, par Jonathan Guiffard

Trump contre le Venezuela, par Jonathan Guiffard

Institut Montaigne
11 décembre 2025

Dans une nouvelle analyse publiée sur la plateforme Expressions de l’Institut Montaigne, Jonathan Guiffard, chercheur associé GEODE et à l’Institut Montaigne, décrypte la doctrine et la stratégie militaire que les États-Unis semblent désormais préparer contre le régime de Nicolás Maduro.

Un Venezuela perçu comme un adversaire stratégique total

Aux yeux de l’administration américaine, le Venezuela cumule tous les attributs d’une menace prioritaire : régime marxiste ouvertement anti-américain depuis l’ère Chávez, liens étroits avec la Russie, l’Iran et la Chine, rôle supposé dans les réseaux de narcotrafic, proximité géographique directe avec les États-Unis et exode massif de sa population vers l’Amérique du Nord.

Dans cette perspective, le régime Maduro incarne la convergence de menaces régionales, idéologiques, sécuritaires et migratoires, et devient une cible stratégique à neutraliser, une logique que Stephen Miller a explicitement comparée à la lutte contre l’État islamique.

La matrice idéologique de la stratégie Trump

Guiffard rappelle que la stratégie de Donald Trump puise dans une vision singulière de l’histoire américaine.

Si la doctrine Monroe (1823) visait initialement à empêcher les puissances européennes de recoloniser l’Amérique latine, sa réinterprétation par les présidents William McKinley et Theodore Roosevelt à la fin du XIXᵉ siècle en a fait un instrument d’expansion impériale : contrôle de Cuba, annexion d’Hawaï, prise de Porto Rico ou des Philippines, construction du canal de Panama.

C’est cette période que Trump admire et mobilise, valorisant McKinley comme architecte d’une Amérique protectionniste, conquérante et sûre de sa puissance. Dans ce cadre idéologique, l’hémisphère occidental redevient une priorité stratégique, et le Venezuela, allié de puissances rivales, apparaît comme une cible légitime d’intervention.

Vers une opération militaire d’ampleur ?

Depuis août 2025, les États-Unis ont commencé à frapper en mer des navires soupçonnés d’appartenir à des cartels, une manière, selon Guiffard, de poser les fondations politiques, juridiques et opérationnelles d’une intervention plus large.
Le prépositionnement massif de troupes dans les Caraïbes laisse penser que Washington prépare une campagne structurée en plusieurs phases :

  • frappes aériennes et navales, destinées à neutraliser les défenses antiaériennes vénézuéliennes ;

  • raids de forces spéciales, pour cibler dignitaires du régime ou infrastructures stratégiques ;

  • actions clandestines et opérations informationnelles, menées par la CIA et le Cyber Command, pour fragiliser l’appareil politico-militaire ;

  • hypothèse d’un déploiement amphibie de marines, si un changement de régime tarde à s’opérer.

Guiffard établit un parallèle avec la guerre de Libye (2011), mais note que si ces frappes ne suffisent pas, la situation pourrait dériver vers un scénario à la manière de la guerre du Golfe (1991).
L’opération serait complexe : le Venezuela est vaste, peut compter sur le soutien politique de la Russie, de la Chine ou de l’Iran, et une intervention risquerait d’alimenter une insurrection durable ou une crise régionale majeure.

Un risque de guerre mondialisée

Pour le chercheur, le Venezuela pourrait devenir un nouveau front dans un conflit global diffus entre puissances occidentales et puissances autoritaires (Russie, Chine, Iran, Corée du Nord, Venezuela).
Cette intervention, façonnée par une lecture impériale du rôle des États-Unis et par une idéologie obsédée par la sécurisation de l’hémisphère occidental, pourrait ainsi ouvrir un nouveau chapitre de ce qu’il nomme des « guerres mondialisées ».

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StarLink, outil d’influence pour Elon Musk, par Célestine Rabouam

StarLink, outil d’influence pour Elon Musk, par Célestine Rabouam

StarLink, outil d’influence pour Elon Musk, par Célestine Rabouam

Analyse Opinion Critique
4 décembre 2025
StarLink, outil d’influence pour Elon Musk, par Célestine Rabouam

Dans une analyse publiée pour Analyse Opinion Critique, Célestine Rabouam, chercheuse associée GEODE et doctorante de l’IFG, examine la manière dont Starlink, présenté comme un outil de connectivité en situation de crise, devient aussi un instrument d’influence au service d’Elon Musk.

Starlink, une solution indispensable en apparence

Les constellations de satellites en orbite basse, comme Starlink, transforment l’accès au numérique dans les territoires isolés ou touchés par des catastrophes. Grâce à leur faible altitude et aux liaisons optiques inter-satellites, elles permettent de rétablir rapidement les communications là où les infrastructures terrestres sont endommagées.

Cette efficacité technique nourrit l’idée que Starlink serait la solution universelle et immédiate pour répondre aux besoins urgents de connectivité.

Mais cette représentation est largement façonnée par SpaceX et par Elon Musk lui-même, qui mettent en scène l’intervention de Starlink dans des contextes de crise : en Ukraine dès 2022, à Mayotte après le cyclone Chido, ou encore lors des feux de forêt sur le continent nord-américain.

Elon Musk : une mise en scène du

« sauveur technologique »

Ces interventions présentées comme humanitaires renforcent un récit plus large, où la conquête spatiale et le numérique seraient, selon Musk, des missions quasi messianiques pour la survie de l’humanité.

Elles s’inscrivent dans la culture du New Space, dominée par des figures comme Musk ou Bezos, qui associent ambition technologique, vision personnelle du futur et communication stratégique.

Starlink s’ajoute ainsi à un écosystème plus large :

  • SpaceX, pour la colonisation spatiale,
  • Tesla, dans une logique de robotisation avancée,
  • Neuralink, lié au transhumanisme,

Le tout porté par un solutionnisme technologique et une vision libertarienne revendiquée, notamment dans la modération de X (ex-Twitter).

Pour Rabouam, l’usage de Starlink en temps de crise sert donc aussi à légitimer le projet Musk et à renforcer la crédibilité de son empire technologique.

Des effets durables : dépendances et souveraineté numérique fragilisées

Malgré son efficacité dans l’urgence, l’intégration rapide de Starlink crée des dépendances structurelles dans les territoires concernés.

En s’imposant comme solution de référence, la constellation marginalise les opérateurs locaux, fragilise les écosystèmes numériques existants et pose des questions majeures de souveraineté technologique.

L’exemple de Mayotte après le cyclone Chido est emblématique : le choix du gouvernement français de s’appuyer sur Starlink a été critiqué par les acteurs locaux, qui dénonçaient un manque de concertation et l’effacement de leur expertise.

Cette dynamique renforce la présence commerciale de l’entreprise et alimente, à long terme, l’influence politique d’Elon Musk, désormais engagé sur la scène partisane — après avoir soutenu Donald Trump, il a créé son propre parti politique en 2025.

Une constellation qui redessine les équilibres géopolitiques

Forte de plus de 6 millions d’abonnés en 2025, la constellation devient ainsi un acteur central de la connectivité mondiale, parfois au détriment de contrôles publics et de régulations nationales.

Célestine appelle à mieux comprendre ces dynamiques afin d’éviter que Starlink ne devienne un vecteur de dépendance durable, piloté par un acteur privé aux ambitions technologiques, économiques et politiques considérables.

>>> Pour en savoir plus <<<

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