Le monde depuis Trump, avec Stephane Taillat
FIG 2025
4 novembre 2025
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Nous entendons souvent parler de « Trump 1 » et « Trump 2 » mais quand est-il du monde depuis sa première élection en 2016 ?
Lors du Festival International de Géographie 2025, Stéphane Taillat, directeur adjoint de l’IFG Lab et chercheur associé GEODE, a analysé les bouleversements provoqués par Donald Trump sur la scène internationale. Selon lui, le second mandat du président américain marque une rupture majeure dans la manière d’exercer le pouvoir et de concevoir les relations internationales.
Après sa défaite en 2020, Trump et son entourage ont eu quatre années pour repenser leur stratégie et préparer leur retour au pouvoir. Stéphane Taillat parle à ce sujet d’une véritable « traversée du désert », au cours de laquelle son équipe a affûté sa vision du pouvoir. Ce second mandat est ainsi celui d’un Trump plus radical, plus sûr de lui, qui engage une offensive contre les contre-pouvoirs et transforme l’administration américaine en instrument de domination politique.
Des ambitions de paix sous fond d’intérêt personnel
Concernant la politique étrangère, Taillat souligne que Trump reste fasciné par Poutine, tout en étant animé d’une volonté pragmatique de « faire du business ». La guerre en Ukraine est un obstacle à une réconciliation avec la Russie, mais Trump tente d’en contrôler l’issue pour en tirer profit sur la scène internationale. Son implication dans les processus de paix, notamment au Moyen-Orient, répond à une logique de communication et de mise en scène, davantage qu’à une volonté diplomatique.
Comme le rappelle Taillat, « les courtes avancées sont en trompe-l’œil » : la posture de paix affichée masque une politique qui renforce les tensions mondiales plutôt qu’elle ne les apaise.
Un remodelage de l’administration fédérale
Avec le projet DOGE (Department of Government Efficiency) confié à Elon Musk, Trump met en œuvre ce que Stéphane Taillat décrit comme un programme de démantèlement contrôlé de l’administration fédérale. L’objectif : affaiblir les démocrates, privatiser les services publics et centraliser le pouvoir présidentiel autour d’un « exécutif unitaire ».
Un rôle de l’armée caricatural
Trump cherche à s’entourer d’hommes loyaux plutôt que compétents, explique Taillat, et impose à l’armée une vision caricaturale, viriliste et politique du commandement. Son discours aux généraux en octobre illustre cette dérive : le déploiement de l’armée dans les villes devient un “laboratoire” du pouvoir, un instrument de contrôle social.
Pour Taillat, cette militarisation du politique accélère la polarisation du pays et fracture durablement les élites américaines, comme en témoigne le shutdown du 1er octobre.
La politique étrangère comme extension du pouvoir personnel
Au-delà des États-Unis, Stéphane Taillat inscrit Trump dans une génération de dirigeants qui conçoivent la politique étrangère comme le prolongement de leur pouvoir personnel. Il observe l’émergence d’un mercantilisme autoritaire, où les États se comportent comme des empires commerciaux. Selon lui, le monde s’oriente vers un ordre postlibéral et antilibéral, dominé par la logique de puissance et de prédation.
Et après Donald Trump, qu’adviendra-t-il ?
Pour Stéphane Taillat, il est peu probable que le trumpisme survive sous sa forme actuelle, mais son empreinte restera durable. Ce mouvement pourrait se transformer, « prendre une forme dégradée », mais la mémoire du trumpisme continuera d’alimenter les discours nationalistes et autoritaires, même après son déclin.
