La cartographie et la compréhension des crises complexes, avec David Amsellem
Diploweb
28 octobre 2025
Quel est l’apport de la cartographie dans la compréhension des crises géopolitiques complexes ?
Face à la multiplication des crises géopolitiques aux causes interconnectées et aux répercussions multiples, de nouveaux outils sont nécessaires pour les comprendre et y répondre. Dans l’émission Planisphère, diffusée le 2 septembre 2025 sur Radio Notre-Dame et RCF, Pierre Verluise recevait David Amsellem, docteur en géopolitique de l’IFG et associé chez Cassini Conseil, pour évoquer le rôle central de la cartographie dans l’analyse et la gestion des crises complexes.
La synthèse de cet entretien a été rédigée par Émilie Bourgoin, étudiante en Master Sécurité et Défense à l’Université d’Ottawa et collaboratrice de Diploweb.com.
La cartographie, un langage politique sous-estimé
Souvent perçue comme un simple outil de représentation neutre, la cartographie est en réalité un langage politique et stratégique. Chaque choix, du fond de carte aux couleurs utilisées, en passant par les échelles et les données sélectionnées, traduit une vision du monde. Comme le rappelle David Amsellem, la carte est à la fois un outil de pouvoir et de persuasion, capable d’influencer la perception des rapports de force. Elle peut servir la propagande autant que la pédagogie.
Un outil d’analyse et d’aide à la décision
La cartographie permet de représenter la complexité des crises géopolitiques en croisant plusieurs variables et en changeant d’échelle. Elle met ainsi en évidence les interconnexions entre les niveaux local, régional et global, rendant visibles des dynamiques souvent invisibles à l’œil nu. Cet outil visuel est donc devenu essentiel pour les entreprises, les institutions publiques et les acteurs du renseignement, car il facilite la compréhension des risques, l’anticipation et la prise de décision stratégique.
Du terrain au Big Data : la mutation du métier de cartographe
Avec le développement du numérique et des données massives, le métier de cartographe s’est transformé. Désormais, le cartographe est aussi un analyste de données, capable de traiter des flux géoréférencés complexes. Cette évolution a donné naissance à la géomatique, discipline à la croisée de la géographie et de l’informatique, indispensable pour comprendre les crises contemporaines.
Cartographier le cyberespace et la désinformation
Même le cyberespace, bien qu’immatériel en apparence, repose sur une infrastructure physique, câbles, serveurs, satellites, qui peut être cartographiée. Cette approche topographique est devenue stratégique dans les cyberguerres, car contrôler ces réseaux revient à maîtriser l’information.
De plus, la cartographie de la désinformation permet d’analyser la circulation des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux et d’identifier les acteurs de l’influence. Des structures comme Viginum, en France, développent ainsi des outils capables de visualiser et de contrer ces manœuvres informationnelles.
Un instrument à manier avec précaution
Parce qu’elle simplifie des réalités complexes, la cartographie peut aussi devenir un outil de manipulation. Elle doit donc être utilisée avec rigueur et esprit critique. Comme le souligne David Amsellem, la carte est un instrument de pouvoir, mais aussi un outil d’intelligence collective, à condition de ne jamais oublier les intentions qu’elle véhicule.
