OSINT : enquêtes et démocratie, par Allan Deneuville

Nom de la revue
16 décembre 2025

Salué par la critique, l’ouvrage OSINT : enquêtes et démocratie, publié aux éditions INA s’impose dès sa sortie comme un ouvrage de référence pour appréhender et démocratiser l’OSINT. Allan Deneuville, maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne et chercheur associé GEODE, propose une approche pédagogique qui éclaire le lecteur, quel que soit son niveau, sur les grands principes de l’OSINT, son histoire, son utilité, mais aussi ses risques et limites.

L’OSINT, une intelligence des sources ouvertes

Selon lui, l’OSINT (Open Source Intelligence, ou ROSO en français) est « une méthode potentiellement itérative et collaborative qui consiste en la collecte, l’analyse et l’exploitation systématique de documents et de données provenant de sources accessibles au public légalement, gratuitement ou non, dans le but de répondre à un besoin d’information ». Au-delà du simple « renseignement », le terme « intelligence » souligne l’ingéniosité nécessaire pour croiser et exploiter les données disponibles.

L’exemple des « Strava Leaks » en 2018 illustre cette pratique : des soldats américains, en partageant leurs parcours de course via l’application Strava, ont involontairement cartographié des bases militaires sensibles. Cette illustration montre comment l’OSINT repose sur le « bricolage numérique » : détourner et combiner des sources publiques pour produire des informations inédites. Deneuville rappelle que l’OSINT n’a pas une définition unique, mais varie selon les usages et évolue avec le numérique.

L’OSINT, bien avant l’ère du numérique

L’OSINT n’est pas né avec le numérique, cette pratique est inhérente à la production documentaire et à la collecte d’informations publiques. Ses premières formes apparaissent avec la presse, notamment lors de la guerre de Sécession américaine, où les belligérants analysaient la presse ennemie pour comprendre les stratégies adverses. Avec l’essor du numérique et de l’hyperdocumentation, l’OSINT devient un outil central, accessible à tous, qui transforme la manière dont l’information est collectée et analysée.

L’OSINT, entre remède et poison

Allan Deneuville compare l’OSINT au pharmakon, concept grec désignant une substance pouvant être à la fois « remède et poison ». Utilisée par les chercheurs, journalistes, ONG ou citoyens, l’OSINT peut éclairer la société et lutter contre la désinformation. Mais elle possède également une face sombre : à l’échelle individuelle, elle peut servir au stalking, au doxxing ou au vigilantisme numérique ; à l’échelle géopolitique, elle accentue la vulnérabilité des sociétés ouvertes face aux régimes autoritaires, qui exploitent la transparence pour la surveillance et l’influence. L’auteur souligne également le risque de manipulation de la méthodologie elle-même, comme dans la diffusion de contre-récits ou de propagande utilisant la « grammaire visuelle de la véridiction ».

Une compétence démocratique à développer

Pour Deneuville, l’OSINT ne se suffit pas à elle-même : elle doit s’accompagner de l’enquête de terrain, de l’expertise et de la collaboration avec des spécialistes. L’apprentissage de l’OSINT devient donc un enjeu citoyen et éducatif: former le plus grand nombre permet de renforcer la résilience des sociétés face à la désinformation et aux ingérences étrangères. C’est dans cet esprit qu’il promeut l’« OSINT for Kids » et soutient des initiatives comme le Festival de l’OSINT, organisé par l’association OpenFacto, qui réunit chaque année plusieurs centaines de participants pour partager connaissances et pratiques.

En somme, OSINT : enquêtes et démocratie éclaire le lecteur sur une méthode d’investigation incontournable, à la fois puissante et fragile, dont la démocratisation et la maîtrise deviennent un enjeu majeur pour nos sociétés.

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