Géopocène, la géopolitique à l’heure de l’anthropocène avec Amaël Cattaruzza
AOC en partenariat avec FIG
13 novembre 2025
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Quels sont les impacts environnementaux des tensions et affrontements géopolitiques ? Et, inversement, dans quelle mesure les bouleversements des équilibres planétaires influencent-ils les antagonismes humains ?
Amaël Cattaruzza, géographe et professeur à l’Institut français de géopolitique (IFG), répond à ces questions dans un article publié dans AOC, en partenariat avec le Festival International de Géographie 2025.
Selon lui, la géopolitique, en tant que discipline, doit profondément évoluer afin de « réfléchir aux différents niveaux d’interactions qui se nouent entre les objets qu’elle étudie et les enjeux environnementaux ».
Pour rendre compte de cette nécessaire transformation, Cattaruzza propose l’expression « Géopocène », contraction de géopolitique et anthropocène. Par ce néologisme, il invite à prendre conscience que « la géopolitique n’influe pas seulement sur notre monde, mais aussi sur notre planète ».
À travers trois études de cas, le géographe illustre la dimension systémique des relations entre les sociétés humaines et leur environnement, montrant « comment les catastrophes naturelles et les transformations visibles du climat impactent profondément l’agenda géopolitique à toutes les échelles, avec en toile de fond l’influence de l’action humaine sur des temps courts, moyens et longs ».
Le premier exemple, celui des méga-feux au Canada, révèle « l’un des symboles des conséquences du réchauffement climatique ». Ces incendies, explique Cattaruzza, invitent à repenser « la manière d’interpréter le politique et ses différentes temporalités au regard des évolutions climatiques et environnementales ».
Le second cas porte sur le projet de mine de lithium en Serbie, soutenu par l’Union européenne, dans un contexte de décarbonation des économies. Bien que cette situation « puisse s’inscrire dans les approches classiques de la géopolitique locale », elle « invite également à interroger les nouvelles idéologies associées aux questions environnementales et les visions du monde qu’elles véhiculent ». Ce projet met en lumière la complexité des relations entre impératifs économiques, enjeux écologiques et stratégies politiques.
Enfin, le conflit en Ukraine illustre la manière dont la guerre, au temps de l’anthropocène, intègre des dimensions environnementales majeures. Cattaruzza souligne ainsi le rôle crucial des enjeux agricoles, alors qu’« une grande partie du monde dépendait des céréales ukrainiennes et russes ». Il rappelle également que les combats autour de la centrale nucléaire de Zaporija ont été « instrumentalisés par les parties », et que les dégradations environnementales ont parfois été utilisées « comme armes de guerre ».
Ainsi, Amaël Cattaruzza plaide pour « une articulation entre action humaine et agentivité non humaine », qu’il conviendrait de représenter « à l’aide d’outils simples – cartographie, schémas, etc. – afin de rendre visibles les impacts réciproques dans le cadre d’études empiriques et territorialisées ».
En conclusion, la géopolitique de l’anthropocène, ou géopocène, invite à repenser les interactions entre les sociétés humaines et la planète qu’elles transforment.
