X et le contrôle des données personnelles, avec Valère Ndior
Les dessous de l'infox - RFI
4 décembre 2025
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Dans le cadre du partenariat entre Les Dessous de l’Infox sur RFI et GEODE, Valère Ndior, professeur de droit public à l’Université de Bretagne occidentale et chercheur associé GEODE, analyse la nouvelle mise à jour controversée déployée par X (ex-Twitter) et les risques de désinformation qu’elle entraîne.
Une géolocalisation imposée, déployée sans préavis
Depuis le 21 novembre 2025, X a activé une fonctionnalité qui affiche la localisation géographique des comptes… y compris pour ceux créés il y a plus de dix ans. Aucune notification préalable n’a été envoyée aux utilisateurs, qui se retrouvent ainsi forcés de divulguer une information qu’ils avaient choisi de garder privée lors de leur inscription.
Pour Valère Ndior, cette décision pose un risque majeur :
« Exposer la position de militants, de journalistes ou d’opposants politiques dans des régimes autoritaires peut les mettre en danger », rappelle-t-il.
Cette géolocalisation contrainte soulève donc des enjeux de sécurité évidents, mais aussi un problème de conformité aux normes européennes en matière de protection des données.
Une fonctionnalité aux résultats très approximatifs
Outre l’absence de consentement, un second problème apparaît rapidement : la médiocre fiabilité des localisations. De nombreux utilisateurs constatent des erreurs flagrantes, parfois instrumentalisées à des fins politiques. L’utilisation courante des VPN brouille encore davantage les pistes, réduisant l’intérêt de la mesure.
Selon Valère Ndior, la fonctionnalité peut néanmoins « aider à débusquer certains réseaux de faux comptes », par exemple lorsqu’un compte militant se revendiquant américain se révèle animé depuis l’Asie du Sud.
Il rappelle quelques signes d’un compte suspect :
- création récente,
- activité anormalement élevée,
- rafales de republications,
- incohérences ou brusques changements de comportement.
Pour le juriste, la justification avancée par Elon Musk de « davantage de transparence » reste fragile. D’autant que X a cessé de coopérer avec les autorités et les chercheurs, rendant plus difficile la détection des bots. Cette mise à jour apparaît donc davantage comme une tentative de donner des gages de bonne foi, à un moment où la plateforme fait l’objet de nombreuses procédures judiciaires, notamment en Europe.
Le cas Grok : erreurs, biais et dérives négationnistes
L’autre point noir de la plateforme concerne Grok, le chatbot maison. Celui-ci a multiplié les réponses erronées, biaisées ou factuellement fausses, allant jusqu’à relayer des récits négationnistes et des contre-vérités historiques. Face aux critiques, X avance que ces propos seraient protégés par le Premier amendement américain, afin d’éviter d’assumer la responsabilité du contenu généré.
En Europe, associations et responsables publics ont dénoncé ces dérives et une procédure judiciaire est en cours. Mais, parallèlement, certains acteurs européens militent pour assouplir la définition des données personnelles ou alléger le RGPD afin de faciliter l’entraînement des intelligences artificielles.
Valère Ndior met en garde contre ces évolutions :
« Elles profiteraient surtout aux grandes entreprises privées, au détriment des libertés numériques », estime-t-il.
